De plus en plus de maternités écourtent les séjours des jeunes mamans. Manque de lits et de personnel… un enfant sur huit en Ile-de-France, et un enfant sur trois à Lyon arrive chez lui moins de trois jours après sa naissance. Mais ce retour précoce à la maison est-il sûr pour la maman et le bébé ? L’Académie de médecine s’inquiète du manque de suivi. Etat des lieux.
Quand votre mère vous a mis au monde, elle est certainement restée quatre ou cinq jours à la maternité, peut-être même une semaine. Aujourd’hui vous aller bientôt accoucher… et vous apercevoir que les choses ont bien changé…
Par ici la sortie
Le constat est sans appel, le séjour en maternité est de plus en plus court. Ainsi, la sortie précoce (avant les trois jours pleins) a doublé en cinq ans : de 3 % des naissances entre 1994 et 1997, elle est passée à 7 % en 2002. Mais c’est dans les grandes villes que la situation est encore plus impressionnante. La sortie précoce concerne 15,7 % des nouveau-nés en Ile de France et même 30 % à Lyon ! Selon les experts de l’Académie de médecine, ce phénomène devrait rapidement prendre de l’ampleur. En effet, les dernières recommandations de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’évaluation en santé (aujourd’hui Haute autorité de santé) prônent cette sortie précoce, avec des conditions strictes.
Des risques ?
Les premiers jours de la vie de bébé sont bien sûr très importants. Pour l’Académie de médecine, un retour précoce entraîne un risque de surveillance néonatale incomplète. Il serait alors possible de passer à côté de petits problèmes à la naissance : troubles alimentaires, infections, troubles cardiaques, problèmes orthopédiques… Les Dr Paul Vert et Michel Arthuis, pédiatres à Nancy, soulignent ainsi la recrudescence des jaunisses du nourrisson aux Etats-Unis et au Danemark. De manière générale, de nombreuses fonctions vitales se mettent en place dans les premiers jours de vie :
La respiration devient optimale en deux à trois jours ;
La circulation sanguine s’équilibre en trois à quatre jours ;
Les reins mettent 15 jours à fonctionner complètement…
Et il faut noter que chez la mère aussi, les changements prennent du temps. On peut citer notamment la montée de lait, qui se met en place entre le 2e et le 4e jour.
Un manque de moyens
Pourquoi ce retour précoce ? Certes, de plus en plus de familles demandent un retour rapide au domicile. Mais la cause principale reste le manque de moyens et de personnel dont souffrent de nombreuses maternités. Sans parler du manque de sages-femmes. Certes, des solutions sont mises en place pour gérer la crise. On notera notamment la création des maisons de naissance, maternités non médicalisées qui permettent d’accoucher "un peu comme à la maison". Le plan périnatalité, lancé par le ministère de la santé en 2004, doit aussi permettre de régler certains problèmes : mise aux normes des maternités, recrutement de sages-femmes et infirmiers…(lire à ce propos notre article Pour des accouchements encore plus sûrs…). Mais les professionnels de santé s’inquiètent du manque de moyens alloués aux mesures. D’autant que celles-ci tardent à être lancées..
Accompagner avant tout
Pour le Dr Paul Vert, pédiatre à Nancy, il ne faut pas systématiser le retour à la maison trop précoce, mais prendre en compte chaque cas. S’il est possible de laisser les mères rentrer tôt chez elles (de préférence pas avant le troisième jour), un suivi doit nécessairement être proposé. Car l’important est d’accompagner les mères, pour les aider à trouver de nouveaux repères. On peut ainsi retenir l’exemple de la Suède où les femmes ont des visites de sage-femmes à domicile et bénéficient d’une ligne directe qu’elles peuvent appeler 24 h sur 24. Certes, mettre en place un système similaire en France demanderait encore des moyens humains et financiers supplémentaires…
Si au moment de votre sortie, vous sentez encore fatiguée, n’hésitez pas à le dire à votre sage-femme. L’accouchement est parfois très éprouvant et prendre en charge, seule, votre bébé peut vous paraître insurmontable. N’ayez ni peur ni honte d’en parler !